Le Christ aux coquelicots

C’est Christian Bobin qui m’a orienté vers son Christ aux coquelicots après avoir entendu la pièce écrite pour l’Ensemble Accroche Note d’après Le Baiser de Marbre noir. J’ai alors découvert ce texte et ai été saisi par sa dimension intime, cette lettre-prière à une aimée mais aussi à la figure spirituelle du Christ.
C’est le mot « célébration » qui m’est ensuite venu en tête à l’idée d’en écrire une œuvre chorale. Dès lors, le projet a grandi grâce aux échanges avec Denis Comtet, chef de l’ensemble Les Discours.
Cette œuvre poétique permet de varier les compositions d’ensembles de chanteurs. Ainsi, à des passages à 12 voix réelles au début de la pièce, on peut passer à quatre solistes SATB – qui sont très importants dans l’équilibre sonore, ou encore à du solo, du solo avec chœur en réponse…
C’est je crois une mise en espace sonore du texte, que j’ai découpé en 14 mouvements. Ce dernier mot peut aussi être entendu en tant que déplacement des solistes dans l’espace, aux quatre points cardinaux ou encore devant le chœur.
Ces mouvements n’ont pas pour vocation à couper la pièce poétique, qui est d’un seul tenant, mais plutôt à donner des jalons temporels marquant les ethos, matérialisant les différentes dispositions des chanteurs. Leurs titres se rapportent uniquement aux premiers mots d’une page (Je t’écris…), ou à une forme musicale (Choral).
En sous-titre de l’œuvre, j’ai souhaité ajouter la mention « poème lyrique » qui s’applique à tous les textes dans lesquels le poète exprime des sentiments personnels et les met en forme avec une certaine musicalité. J’aime le fait que le mot « lyrique » vienne de « la lyre », cet instrument de musique dont se sert Orphée. Et j’ai voulu, par une épure de l’écriture musicale, enluminer le texte. C’est pourquoi on peut trouver dans la pièce des aspects récitatifs, de l’homorythmie et pourtant aussi paradoxalement de la polytextualité chantée, parlée, rythmée… Ainsi, le positionnement même d’un membre de l’assistance du concert reçoit, selon son placement une compréhension différente d’autres.
Le Christ aux coquelicots est en ce sens une œuvre fleuve tant le texte est important en simple quantité pour une pièce de moins de 27 minutes. Il est ainsi récité, rarement répété, parfois mêlé à lui-même. Et si de petits motifs musicaux viennent irriguer ça et là la pièce, c’est aussi pour proposer un lien dans ces arches de mémoire qui composent, innombrables, le bijou poétique de Christian Bobin, que je remercie pour la confiance accordée.
Benoît Menut