Némésis

La voix et le monde sonore : telle est l’ouïe musicale qui toujours, tel le delta du Nil, ramifie son énergie vers ici le sens et la signification du verbe, là le parfum et l’ivresse possible du sonore.
Parole et musique.
Comment traduire les métamorphoses de l’une à l’autre de ces dimensions de l’ouïe ?
…le mot chanté/parlé sous mutation musicale, porte ouverte à l’incandescence du son…
Le son en feu alors appelle le mot… ouvrant maints autres axes du sens, d’autres dimensions parallèles du verbe, et cercle des métamorphoses, sans fin…
Ainsi dans ce poème chanté/parlé s’ouvre la possible – ou l’impossible alliance de la parole et du chant : ici la langue française, lignes d’émotions où le sens du mot se transfigure, appelant tous les registres du sentiment quand le sens du mot s’évapore, comme si la voix chantée mettait le mot à nu, Comme si la voix parlée mettait le son qui le porte au cœur d’un creuset alphabétique incandescent…
Par-delà le sens surgit le son musical dès lors que la parole ouvre à toutes les langues, où l’harmonie rythmée des couleurs instrumentales, telles des voyelles spatialisées, diffracte le texte et son carrousel d’images.
Dans ce texte magistral de Jean Cocteau écrit en 1932 – La machine infernale – enraciné dans le monde antique de la pensée et l’œuvre de Sophocle, ce monologue du Sphynx ouvre à notre monde d’aujourd’hui, avec toute sa magie, sa fureur, comme sa douceur, son inquiétude comme toute sa joie et son mystère.
En filigrane toute la puissance onirique du Sphynx s’exprime.
Le Sphynx : cette créature à tête de femme et corps d’oiseau, toujours accompagné par Anubis, dieu égyptien de la mort – à tête de chien.
Anubis annonce au Sphynx l’avenir d’Œdipe.
Le Sphynx alors pris de pitié, par cette révélation, se transforme en la déesse Némésis…
Philippe Schœller