Urbs

Dédié à Françoise Gnéri et créé le 3 mai 2013 au festival d’Hourtin, mon deuxième quatuor à cordes est titré Urbs. C’est bien entendu le nom latin correspondant à la cité, mais c’est aussi, avec sa majuscule, « la ville d’entre toutes les villes », c’est-à-dire Rome. J’ai été, comme souvent dans ma musique, influencé par une lecture, en l’occurrence le livre éponyme de l’écrivain Dominique Lambert. Dans cet ouvrage, l’auteur narre l’histoire d’un homme déshumanisé et criminel, en proie à des névroses et tiraillé intérieurement par des démons inavouables. Il est, à l’image d’une société qui pose le matérialisme en religion, déconnecté du monde dans lequel il vit et suit des traitements chimiques altérant sa perception, tout en communiquant à son psychiatre ses pensées les plus noires, les plus insupportables pour le commun des mortels.
Chacun des quatre mouvements de ce quatuor porte le nom d’une substance chimique présente dans ce livre. Ainsi, le premier mouvement, X1, représente le fantasme de l’homme, noyé dans un bleu fœtal, spectateur de sa propre création in utero. Le second, X4 est un thème et variation, à l’image des changements de perception créés de manière séquencée dans l’esprit du personnage principal. Ensuite, TV4 – TV6, regard de l’homme sur les médias composant son monde, mélange de matérialisme, de pornographie et quête sous-jacente d’un sens spirituel dans un marasme quasi animal et criant de pauvreté. Dans ce mouvement, j’ai choisi délibérément d’écrire une musique brute, répétitive, qui peut rappeler certaines scènes du film Requiem for a Dream… dans lequel seul le pseudo choral contrastant vient apporter recueillement et illusion de douceur. Le dernier mouvement, X2 est une simple prière, expression de la souffrance face au désir de changement intérieur ; lueur d’espoir, il ne résout pourtant pas le problème existentiel majeur : être soi dans un monde si éloigné de nos idéaux.

Benoît Menut