Parmi les compositeur·ices des Éditions Musicales Artchipel, certains ont déjà une renommée internationale. D’autres restent encore à découvrir par les amateurs de musique contemporaine. Nous nous efforçons de faire connaître leur musique afin qu’elle vienne enrichir le patrimoine de la musique contemporaine.
黄泉の国から Yomi no kuni kara est une oeuvre particulière dans mon catalogue, de part sa nomenclature improbable mais aussi et surtout car le projet qui l’anime tente de réfléchir sur la question des universaux. Si cette dimension est nouvelle dans mon travail, c’est parcequ’elle s’inscrit dans mes réflexions plus larges sur la question de l’altérité. Elle m’a amené ici à mettre en regard une oeuvre spirituelle, le Kojiki, sorte de bible du Shintoïsme écrit au VIIIème siècle de notre ère, avec un opéra classique, Orphée et Eurydice du compositeur Christoph Willibald Gluck.
En effet, l’une des premières histoires narrée dans le Kojiki ressemble à s’y méprendre au mythe d’Orphée :
Izanami et Izanagi, deux divinités créatrices, donnent naissance à plusieurs Kami-sama (esprits et divinités qui deviendront les îles du Japon). L’un d’entre eux tue sa mère à sa naissance car il est constituté principalement de feu et lui brûle le vagin. Izanagi tente alors de retrouver sa femme aux enfers et a l’interdiction de la regarder s’il veut la récupérer…
Les points de convergence sont troublants avec Orphée. La structure de la pièce s’établit donc dans une sorte d’inter-narration bornée par ces deux oeuvres incarnées de manière différentes ; par un long solo de Biwa, qui, dans la tradition japonaise, avait un rôle de support pour raconter les épopées et par un dispositif particulier de trois contre-ténors cachés dans l’orchestre, qui évoquent davantage la figure occidentale.
La musique résultante se nourrit d’ambiguïtés formelles (fausse ouverture, impression de concerto en fuite, objets musicaux suspendus et répétés qui destabilisent la sensation narrative) qui s’évanouissent au sein d’une coda pensée comme un petit paysage nocturne, se réduisant progressivement en une respiration lente et organique.
Aurélien Dumont
Description
– Voici le lien où écouter le petit reportage qui a été fait autour de la création de Yomi no kuni kara (RTS, radio suisse) :